LOEIZ ANDOUARD (1904-1985)

Né le 16 juin 1904 à Binic, fils d'un douanier, d'une famille originaire de Fréhel qui avait compté de nombreux marins, rien de surprenant que se soit éveillée en lui la vocation de la mer.

Mais à l'âge de quatre ans, il perd toute sa famille, emportée par une épidémie: ses deux soeurs, son père, puis sa mère, morte quelque temps après d'épuisement et de chagrin.

Il est recueilli par un oncle gendarme en poste dans le pays de Rennes qui élèvera l'orphelin avec son propre fils mais il semble qu'il soit resté très isolé au sein de sa famille d'adoption.

C'est sa passion pour l'étude, sa soif inextinguible d'apprendre qui sera la planche de salut pour cet enfant solitaire, cette passion qu'il conservera jusqu'aux derniers jours de son existence, ne cessant de lire et de s'instruire.

Après de solides études secondaires, il est élève de l'Ecole Nationale de la Marine Marchande de Paimpol et c'est là qu'il va faire la connaissance de Yann Sohier alors instituteur à Plouguiel, aux portes de Tréguier, haut-breton comme lui, comme lui passionné de la Bretagne.

Bientôt une solide amitié liera les deux hommes qui s'influenceront réciproquement et c'est Andouard qui dessinera le titre de la revue de Sohier, " Ar Falz ".

Il entrera également très vite en relation avec Roparz Hemon et l'équipe " Gwalarn " à laquelle il va s'agréger.

Comme beaucoup de jeunes Bretons de sa génération, il se passionrre aussi pour l'Irlande qui vient de reconquérir son indépendance après une lutte longue et douloureuse. Il se lance dans l'étude du gaélique et ira plusieurs fois dans ce pays. Il s'y fera des amis et en ramènera aussi un de ses pseudonymes : Farnachanavan.

Après avoir navigué pendant plusieurs années comme élève officier, lieutenant puis capitaine au long cours sur les navires des " Chargeurs réunis " de la" Société Navale de l'Ouest ", puis de la " Compagnie Havraise Péninsulaire ", entre Le Havre et Madagascar, il est contraint par la crise, comme beaucoup de ses anciens camarades de quitter en 1931 la marine.

Il va exercer de nombreux métiers avant de devenir journaliste à " La Voix du Marin " publiée à Saint-Malo par le syndicat Nord-Est Bretagne créé par le Père Louis Le Bret, l'apôtre du Tiers-Monde, et le patron-pêcheur cancalais Ernest Lamort.

Il en assurera la rédaction jusqu'à la déclaration de guerre en 1949 et à la tête du Secrétariat Social Maritime de Bretagne, il se dépensera pendant toutes ces années pour la défense de la pêche et des marins-pêcheurs.

En 1935, il avait épousé l'écrivain breton Fant Rozeg (Meavenn) dont il aura trois filles et qui devait le quitter en l944.

Mobilisé en 1939 comme officier de marine de réserve sur un navire de guerre, il est libéré en 1940, après l'armistice en Angleterre où il est stationné et choisit de regagner la Bretagne.

En janvier1941, à l'instigation de Roparz Hemon, il prend en main la rédaction du nouvel hebdomadaire breton " Arvor " qu'il a contribué à lancer avec sa femme.

Il quittera le journal en l943 pour aller s'installer à Paris où il occupera, au cours des dernières années de sa vie professionnelle, d'importantes fonctions au " Comité central des pêches maritimes " jusqu'à son départ en retraite et son retour définitif en Bretagne à Pléhérel, dans le pays de ses ancêtres, en 1969.

Il est mort à l'hôpital de Lamballe le 14 juin 1985, après de longs mois de souffrances physiques et morales.

Loeiz Andouard en 1983Loeiz Andouard en 1983

Loeiz Andouard est un de ces hauts-bretons qui, comme l'Abbé Marsel Klerg et Per Denez, ont réappris la langue nationale de toute la Bretagne, en ont fait celle de leur pensée et en sont devenus les plus ardents défenseurs.

Toute son existence, il a combattu pour elle, multipliant (sous son nom ou un de ses pseudonymes: L.F.A., Erel Keralban, Farnachanavan, Abherhel) dans " Gwalarn ", " Armor ", " Studi hag Ober ", " Sterenn " puis " Kaierou Kristen ", " Al Liamm ", " Imbourc'h ", les articles sur les sujets les plus divers : études économiques, problèmes maritimes, histoire, littérature, poèmes, mais aussi de nombreuses traductions de l'anglais (" Un hir a gousk ", un long sommeil) de Washington Irving (en 1933) mais surtout de l'irlandais, langue qu'il connaissait parfaitement : poèmes de Padraig Mac Piarais, une nouvelle " Isagan " (récemment rééditée par " Imbourc'h "), un recueil de chants d'amours gaéliques recueillis par Douglas Hyde (" Pa gan ar galon " (en 1936), " Ar Grilheta e Breizh " (" La pêche du saumon en Bretagne ") paru en février l941 dans la revue " Sterenn " et plus récemment un lexique de termes maritimes bretons " Brezhoneg ar Mor ", un ouvrage sur Jacques Cartier (" Jakez Karter ") aux éditions " Hor Yezh ", un dictionnaire breton-irlandais qui doit paraître et une anthologie, toujours en breton, de la littérature irlandaise contemporaine qui devrait voir le jour.

Loeiz Andouard a été également un des précurseurs de l'actuelle renaissance du théâtre breton.

A Paris, quand il aura surmonté les années les plus noires de son exil et d'une solitude amère, il se rapproche de ses compatriotes émigrés et va monter trois pièces: " Un den a netra ", de Roparz Hemon, " Ar C'houmoul a dec'h ", de A.O. Roberts, " Gwþreg an toer " de Tanguy Malmanche.

A Ker Vreiz, dont le président est alors à cette époque Yann Kerlann, l'ami et le successeur de Yann Sohier à la tête d'" Ar Falz ", il donne chaque semaine, à partir de 1967, des cours de breton. Il sera également un des professeurs par correspondance de " Skol Ober ".

A partir de l969. après sa retraite, il va pouvoir se consacrer entièrement à ses activités littéraires bretonnes et également avec d'autres habitants du pays de Fréhel à la défense de la nature et de l'environnement. Il rédigera de nombreux articles pour la petite revue " Contre vents et marées ".

Toujours à la pointe de combat pour la défense et la promotion de la langue, c'est lui qui prend l'initiative de créer avec ses propres deniers une bourse destinée à inciter un auteur à écrire en breton un ouvrage sur le grand médecin Laennec, à l'occasion du deuxième centenaire de sa naissance, ce qui nous vaudra l'excellente biographie du Docteur Goulc'han Kervella, récemment édité par "Al Liamm ". Quelques jours avant sa mort, il signait encore d'une main tremblante un dernier chèque pour la création d'un prix qui devrait couronner un ouvrage toujours en langue bretonne sur un sujet économique cette fois.

On voit ici la variété de ses intérêts et aussi l'idée qu'il se faisait de cette langue qui ne doit pas être confinée dans les domaines de la littérature, de la poésie et du passé mais devenir celle de toutes les activités de la société moderne.

Tel fut Loeiz Andouard, un de ces hommes modestes et désintéressés grâce à qui la culture bretonne a pu survivre, se maintenir et se développer à travers les pires difficultés jusqu'à notre époque, en attendant que des circonstances extérieures plus favorables lui permettent de reprendre la place qui lui est due, le jour où la fée de l'Histoire s'approchera de nous de nouveau...et nous tendra les mains.

Dalc'homp Soñj N°13 (avec l'aimable autorisation des éditions Dalc'homp Soñj)