LA CHARTE DE 1977
PRÉAMBULE
La
présente Charte constitue de la part de l'État, de
l'Établissement Public Régional de Bretagne, des
Conseils Généraux des Côtes-du-Nord, du
Finistère, de l'Ille-et-Vilaine, du Morbihan et de
Loire-Atlantique, un acte de reconnaissance de la personnalité
culturelle de la Bretagne et l'engagement d'en garantir le libre
épanouissement. Elle répond au désir de respect
de leur identité exprimé par la population bretonne et
ses élus. Elle constitue un pas vers la prise en charge, par
la Région, de sa politique culturelle. Elle se place ainsi
dans le sens d'une évolution générale des
États favorable aux personnalités
régionales.
La personnalité culturelle de la Bretagne s'est toujours
manifestée de manière originale dans la totalité
des aspects de la vie sociale. Relations humaines, modes
d'expressions, arts et traditions populaires en portent la marque. La
langue bretonne en est une de ses composantes fondamentales.
Cependant la culture en Bretagne ne peut se réduire à
une expression traditionnelle ni à une culture populaire
d'essence rurale. Il ne saurait exister de culture bretonne
authentique que résolument ouverte sur l'extérieur et
sur l'avenir.
Le propos de la présente Charte est de mettre fin au divorce
qui existait entre une culture régionale, toujours riche et
vivante, mais qui risquait de se replier sur elle-même, et une
culture dominante qui l'ignorait trop souvent. Elle vise, par un
ensemble de mesures appropriées, à irriguer la vie
culturelle et sociale de la Région des éléments
caractéristiques de la culture bretonne qu'il convient
parallèlement, de recenser, de conserver, d'analyser et de
développer.
Découlant des principes ainsi posés et s'attachant
à une exigence première: assurer à la langue
bretonne, au parler gallo et à leurs cultures
spécifiques, les moyens nécessaires à leur
développement y compris dans l'enseignement et à la
radio-télévision, les mesures inscrites dans la Charte
visent à:- recenser, conserver, étudier et analyser les
éléments spécifiques du patrimoine culturel
breton, et à en assurer la diffusion la plus large
possible,
|
- assurer la
prise en compte de ces éléments par l'ensemble
du réseau culturel, |
Ainsi conçue, la Charte reconnaissant en particulier l'effort
réalisé avec beaucoup de courage et d'abnégation
par les divers mouvements culturels bretons, tient à donner
à ce qui existe les moyens d'une action
développée et renforcée.
La Charte s'intéresse à un certain nombre de projets
d'initiative régionale et propose la création d'un
Conseil Culturel de Bretagne. Ce conseil, qui rassemblera les
principaux acteurs de la promotion culturelle de la Bretagne, pourra
proposer les principales orientations, coordonner les actions,
émettre un avis compétent auprès des
autorités responsables des décisions
financières, tant en ce qui concerne le fonctionnement que
l'investissement.
Les crédits supplémentaires nécessaires à
l'exécution de ce plan sont chiffrés et le financement
en est assuré conjointement et par moitié, d'une part
par l'État et l'Établissement Public Régional
pour les crédits d'investissement, d'autre part par
l'État et les départements pour les crédits de
fonctionnement. Ces crédits s'ajoutent à une
participation minoritaire des organismes
bénéficiaires.
Les signataires s'engagent à inscrire pendant cinq ans
à compter de 1978 les crédits nécessaires dans
leurs budgets respectifs, conformément à la
répartition prévue par la Charte.
Les décisions financières concernant l'investissement
seront prises par les autorités compétentes. En ce qui
concerne les subventions de fonctionnement, les décisions
seront prises par un Comité composé de
représentants de l'État et des Conseils
Généraux.
L'État s'engage à déconcentrer son pouvoir de
décision à l'échelon de la Région tant en
matière d'investissements que de fonctionnement, la Charte
étant un lien privilégié entre l'État et
la Bretagne.
La participation financière de l'État s'effectuera dans
la limite des crédits votés chaque année par le
Parlement dans le cadre des budgets des départements
ministériels concernés par les actions décrites
dans la présente charte.
La Charte recouvre les activités spécifiques à
la culture bretonne, l'enseignement de la langue aux
différents niveaux du système éducatif et la
diffusion de cette culture et de cette langue.
TITRE I
ENSEIGNEMENT DE LA LANGUE ET DE LA
CULTURE BRETONNES
Le Gouvernement
considérant que la langue et la culture bretonnes expriment un
aspect de la personnalité profonde de la Bretagne, convient
qu'il importe d'en reconnaître la valeur et la
dignité
Dans cet esprit, pour répondre aux voeux exprimés par
l'Établissement Public Régional et les
Assemblées départementales de Bretagne, le Gouvernement
fait part de son accord pour donner, dans l'enseignement, à la
langue et à la culture bretonne, une place en rapport avec
l'importance qu'elles présentent aux plans humain et culturel.
Les dépenses qui en découleront seront à la
charge de l'État.
1. Enseignement de la culture
bretonne
Un enseignement en français portant sur les patrimoines
culturels bretons sera dispensé dans tous les ordres
d'enseignement et dans l'ensemble de la Bretagne, dans le cadre des
nouveaux programmes qui feront place à l'étude des
patrimoines locaux (activités d'éveil pour
l'enseignement préélémentaire et
élémentaire, histoire, géographie,
économie, éducation littéraire et artistique
pour l'enseignement secondaire). Ces dispositions s'appliquent au
pays gallo dont il convient d'exploiter les richesses
culturelles.
Pour faciliter la mise en oeuvre de ces décisions, le
Ministère de l'Éducation. développera ses
actions de coopération avec les services éducatifs des
archives. Ainsi une documentation originale, nourrie d'exemples
locaux, facilitant la connaissance des patrimoines culturels, sera
mise en place, puis entretenue et diffusée avec l'aide du
Centre Régional de Documentation Pédagogique.
2 . - Enseignement du breton
dans le second degré
L'éducation facultative de la langue bretonne s'applique aux
classes de 6ème et de 5ème.
La création d'une option langue et culture bretonnes
interviendra pour le cycle d'orientation (classes de 4ème et
de 3ème) dès la rentrée 1979. Cette option
bénéficiera en tous points du régime de la
seconde langue vivante. Elle figurera donc, comme les autres
matières au choix, dans les dossiers d'inscription remis aux
familles.
Les heures d'enseignement du breton dans l'ensemble du second
degré seront intégrées normalement au service
des professeurs volontaires, dans le cadre des horaires en
vigueur.
3. - Option langue bretonne au
baccalauréat
L'interrogation facultative du breton au baccalauréat existant
à l'heure actuelle est maintenue.
En outre, l'option langue et culture bretonnes, prévue comme
indiqué ci-dessus, sera valable en tant que seconde langue
pour toutes les séries de baccalauréat.
Ainsi sera assurée, pour les élèves qui l'auront
choisie, une continuité réelle de l'enseignement du
breton dans le premier et le second cycle.
4. - Enseignement du breton dans
le premier degré
Les cours d'initiation au breton dans le premier degré seront
développés dans le cadre des activités
d'éveil, à raison d'une heure par semaine, à la
demande des familles et sous le système du volontariat des
instituteurs.
Des instituteurs conseillers pédagogiques seront
progressivement mis en place au niveau départemental, dans les
départements concernés, à partir de la
rentrée scolaire 1978.
5. - Formation des
enseignants
A - Le Ministère de l'Éducation
facilitera la formation des enseignants dans le premier et le second
degré Il fera en sorte, par les moyens appropriés, que
leur nombre tienne compte des besoins recensés.
|
a) s'agissant du
premier degré, des stages sur la pédagogie de
la langue et de la culture bretonnes seront organisés
au profit des instituteurs volontaires, dans le cadre de la
Formation Continue dont bénéficient ces
enseignants. La formation à l'enseignement du breton
sera facilitée et développée dans les
Écoles normales. Enfin, une préparation
à l'enseignement en français de la culture
bretonne sera donnée à tous les
élèves-maîtres, dans toutes les
Écoles Normales de Bretagne. |
B - Les recherches historiques et culturelles concernant la Bretagne seront encouragées et facilitées dans le cadre de l'enseignement supérieur; la coordination des efforts déjà consentis en ce domaine par les Universités bretonnes sera notamment développée.
TITRE
II
DIFFUSION DES CULTURES ET DE LA LANGUE BRETONNE - RADIO ET
TÉLÉVISION
L'élargissement de
l'expression et de la diffusion de la culture et de la langue
bretonne à la radio et à la télévision
est l'une des conditions de l'épanouissement de la culture
régionale.
Les signataires de la Charte reconnaissent que dans un tel domaine
l'évolution ne peut être que progressive. Aussi les
mesures contenues à ce titre dans la Charte seront-elles
étalées dans le temps.
1) - Radiodiffusion
Dès la signature de la Charte, la durée de diffusion en
langue bretonne sera augmentée. Outre les deux bulletins
quotidiens de 10 minutes émis par l'émetteur de
BREST-Roc Trédudon, deux émissions hebdomadaires de
trois quarts d'heure (trois quarts d'heure dès 1978, trois
quarts d'heure supplémentaires en 1979) prélevés
sur le temps de diffusion en langue française, seront
consacrés à des émissions en langue bretonne.
Ces temps d'émission pourront être destinés plus
particulièrement aux agriculteurs, aux jeunes et aux scolaires
et d'une façon générale à l'enseignement
et à la diffusion de la langue et de la culture bretonne.
Une émission quotidienne de 5 minutes en vannetais sera
diffusée à partir de l'émetteur de
VANNES-Moustoir-Ac.
L'émission hebdomadaire d'une heure couvrant l'ensemble de la
région sera maintenue.
2) -
Télévision
À la signature de la Charte, l'émission de 20 minutes
en langue bretonne diffusée tous les quinze jours sur deux
chaînes deviendra hebdomadaire; elle pourra prendre le
caractère d'un magazine plus particulièrement
consacré à la langue et à la culture
bretonne.
L'émission bi-hebdomadaire de une minute trente en langue
bretonne sera remplacée par deux émissions l'une de
trois minutes, l'autre de cinq minutes diffusées
respectivement le mercredi et le samedi juste avant le journal
télévisé.
À moyen terme, dès que se libéreront des
créneaux sur FR 3, du fait que cette société
n'aura plus à partir de 1980 la charge de diffuser
l'après midi le programme de TF1, le nombre de la durée
des émissions en langue bretonne seront augmentés dans
des conditions à déterminer à la fin de
l'année 1978 et en fonction de l'expérience qui se
dégagera des nouvelles dispositions prévues
ci-dessus.
3) - Comité
Régional Consultatif de l'Audiovisuel
Le Comité Régional Consultatif de l'Audiovisuel
prévu par l'article 10 de la loi du 7 août 1974 relative
à la radio et à la télévision sera mis en
place. Composé d'élus locaux, de représentants
de l'Établissement Public Régional et de
personnalités qualifiées, ce comité sera
consulté sur les questions relatives aux programmes
régionaux de radio et de télévision. ainsi que
sur la politique suivie par l'établissement public de
diffusion en matière d'installation permettant la diffusion
des programmes de radio et de télévision dans la
région
TITRE
III
PATRIMOINE ET
ACTIVITÉS CULTURELS
Les signataires de la
Charte s'engagent à consentir pendant cinq ans un effort
particulier en faveur du patrimoine et de la culture de la Bretagne
et à y consacrer durant le même temps les moyens
financiers définis ci-dessous.
1) Objectifs prioritaires de la
Charte:
Sans négliger aucun des aspects de la vie culturelle dans la
région, les parties signataires de la Charte choisissent de
favoriser les types d'actions susceptibles de se développer
dans les domaines spécifiques à la culture bretonne et
dont elles définissent en commun les principales
priorités.
A) Agence Technique Régionale
Il est créé une Agence Technique Régionale qui a
pour fonctions
|
- la gestion et
la maintenance d'un parc de matériel mis à la
disposition des collectivités locales, des
associations et organismes à vocation culturelle; |
L'Agence Technique créera, si le besoin s'en fait sentir, un
atelier régional d'impression, photographie, reliure et
restauration de documents.
L'Agence Technique Régionale est créée sous La
forme d'une association de la loi de 1901, dans des conditions qui
seront ultérieurement déterminées. Son Conseil
d'Administration est composé de 25 membres, à savoir 8
élus régionaux et départementaux, 8
représentants des villes principales de la Région, 8
représentants de l'État et un représentant des
Associations Culturelles Régionales.
L'Agence Technique Régionale tiendra informé de ses
activités le Conseil Culturel dont la création est
prévue ci-après. Elle sera placée sous la
tutelle du Comité interdépartemental dont la
création est également prévue ci-dessous.
B) Associations culturelles bretonnes
La Charte reconnaît le rôle joué par les
différentes associations culturelles bretonnes ainsi que leur
contribution à une meilleure compréhension de
l'identité culturelle de la région.
Les signataires de la Charte s'engagent à intensifier leur
aide financière et technique, notamment aux grandes
associations ayant une organisation à l'échelon des
cinq départements bretons. Pourront s'associer à ces
grandes fédérations des groupes dont l'activité
est plus localisée, telles les associations culturelles au
niveau des pays. Enfin,des subventions pourront être
accordées aux autres associations et Sociétés
Savantes, notamment d'action communale, se préoccupant de ces
problèmes.
Aucune distinction ne sera faite entre culture dite populaire et
culture dite savante.
Les projets des associations seront examinés pour avis par le
Comité Interdépartemental et le Conseil Culturel dans
les conditions définies ci-dessous.
C) Chapelles bretonnes
Les signataires de la Charte affirment l'intérêt
spécifique du patrimoine constitué par les
églises, chapelles et calvaires. Des crédits
d'équipement supplémentaires seront dès la
première année affectés à un programme de
restauration de ces monuments.
D) Centre d'Étude sur l'habitat
La Bretagne possède un art et des traditions
spécifiques en matière d'urbanisme, d'architecture et
de mobilier intérieur. La recherche dans ces Trois domaines
sera poursuivie et amplifiée.
Une attention particulière est accordée au Centre
régional des arts de la maison (CERAM à
Kérazan-Loctudy) qui s'est donné pour mission de
découvrir les sources traditionnelles des arts de l'habitat en
Bretagne et d'y greffer à la fois une recherche et des
réalisations résolument contemporaines en
matière d'urbanisme et d'architecture et dans le domaine des
arts intérieurs de la maison.
Le CERAM sera donc doté, dans le cadre de la Charte, des
crédits destinés à conforter une action
jugée exemplaire pour la maîtrise, par la Région,
de la conception de son cadre de vie.
E) Maisons de pays
Devant la disparition rapide de ce qui pendant des siècles a
constitué l'identité culturelle de la Bretagne, il est
décidé de créer des centres de recherche, de
conservation et de transmission du patrimoine culturel, sous la forme
de maisons de pays encore appelées écomusées,
musées populaires ou musées ethnographiques dans le
même esprit qui a présidé aux réalisations
d'Ouessant, des Monts d'Arrée, de Brière ou du pays
d'Auray.
Il sera mis en oeuvre un programme de réalisation de maisons
de pays, qui bénéficieront dans le cadre de la
présente Charte, de crédits d'équipement et de
fonctionnement.
F) D'autres initiatives comme le conservatoire régional de
musique, chants et danses traditionnels, le centre d'éducation
musicale bretonne et celtique, le campus musical, les classes
préélémentaires et les centres de la petite
enfance, pourront être envisagées à moyen
terme.
G) Institut Culturel de Bretagne
Sans se substituer à ce qui existe l'Institut Culturel de
Bretagne se mettra progressivement en place. Il sera un organisme et
un terrain de rencontre voué à des études,
recherches et réalisations, où seront appelées
à converger informations, données et connaissances; il
s'engagera à faire bénéficier des acquis de ses
travaux et des moyens de ses services l'ensemble des structures
d'ordre culturel de la Bretagne.
Ses champs d'activité pourront se répartir en plusieurs
directions:
|
-
géographie, écologie, |
|
- l'Institut
recherchera et étudiera les éléments
spécifiques de la culture bretonne et en
élaborera les instruments de connaissance, |
Cet institut ne sera pas figé dans une structure monolithique
mais "éclaté" et enraciné dans les
différents pays.
2) - Moyens financiers mis en
place:
À compter de 1978 les parties signataires de la Charte
s'engagent à mettre en place chaque année pendant cinq
ans les crédits nécessaires à la
réalisation de ce programme dans les conditions suivantes:
A. Équipement
|
a) - La part de
l'État sera de 3 Millions de Francs par an.
|
B. Fonctionnement
a) - La part de l'État sera de 1,5 Million par an.
b) - Les cinq départements des Côtes-du-Nord, du
Finistère, de l'Ille-et-Vilaine, de la Loire-Atlantique et du
Morbihan s'engagent à contribuer à hauteur de 1,5
Million de Francs par an aux dépenses de fonctionnement de la
Charte.
La répartition de cette charge entre les départements
sera effectuée à proportion de leur population
respective, la part du département de la Loire Atlantique
pouvant être moindre.
3) - Procédures d'attribution des crédits
d'équipement et de fonctionnement
A. Les crédits d'équipement mis en
place chaque année par l'État et l'Établissement
Public Régional, d'une part,
Les crédits de fonctionnement mis en place chaque année
par l'État et les départements, d'autre part,
font l'objet d'une affectation décidée en commun,
après avis du Conseil Culturel de Bretagne.
Il est à cet effet créé sous le nom de Conseil
Culturel de Bretagne un organisme consultatif composé de 61
membres:
|
- 9
représentants de l'Établissement Public
Régional dont 6 pour le Conseil Régional et 3
pour le Comité Économique et Social, · Président d'Universités:
4 sièges
|
Le Préfet de
Région, le Recteur d'Académie, le Directeur
Régional des Affaires Culturelles, le Directeur
Régional de FR3 ou leurs représentants participent aux
travaux du Conseil Culturel.
Le Conseil Culturel de Bretagne formule chaque année un avis
sur le projet de répartition des crédits
d'équipement et de fonctionnement. Il peut également
à cette occasion présenter des suggestions aux
Assemblées Régionales sur les grandes orientations de
la politique culturelle de la Bretagne.
B. Un Comité Interdépartemental
composé de 9 représentants de l'État dont les 5
Préfets, et de 9 représentants des Conseils
Généraux, dont un pour la Loire-Atlantique et deux pour
chacun des autres départements, fait à l'État et
aux Conseils Généraux des propositions de
répartition des crédits de fonctionnement qu'ils
apportent.
octobre 1977