JOSEPH QUESNEL (1749-1809)

Son nom n'apparaît pas dans la " Biographie bretonne " (1852-1857) de Levot. Aucune rue de Saint-Malo ne porte son nom. Joseph Quesnel est obscur inconnu pour les Bretons d'aujourd'hui. Pourtant ce Malouin a connu une certaine gloire au Québec à son époque comme poète, dramaturge et compositeur de musique. Grâce à l'un de ses fils, son nom de famille a été donné à un lac, une rivière et à une petite ville de Colombie britannique, dans l'ouest du Canada. Joseph Quesnel est l'un de ces émigrés bretons innombrables qui sont devenus célèbres dans leur pays d'adoption et dont les Bretons de Bretagne méritent de connaître l'histoire.

Joseph Quesnel est né le 15 novembre 1749 à Saint-Malo. Il était le fils d'Isaac Quesnel de la Rivaudais et de Jeanne-Marguerite Duguen. Il dut faire de solides études classiques dans l'un des bons collèges de la ville et embarquer aussi de bonne heure sur des navires malouins naviguant sur les côtes d'Europe. A 19 ans, il s'embarque comme officier pour son premier voyage autour du monde qui durera trois ans et le mènera à Pondichéry, en Inde, à Madagascar et sur la côte ouest d'Afrique. Il fera ensuite d'autres longs voyages, notamment aux Antilles et au Brésil. A trente ans, en 1779, il se porte volontaire pour commander un navire chargé de vivres et de munitions destinés aux insurgés américains alors en pleine guerre d'indépendance contre les Anglais. Malheureusement, au large de la Nouvelle-Ecosse, son navire est attaqué par une frégate anglaise et capturé. Joseph Quesnel est conduit comme prisonnier à Halifax puis à Québec où, jouissant d'une demi liberté, il gagne l'amitié du Gouverneur (d'origine suisse). Celui-ci lui procure des lettres de naturalisation et, comme ce pays neuf, où l'on parle français, semble plein d'espoir, il décide de s'y installer.

En 1780, il épouse Marie-Josèphe Deslandes qui lui donnera treize enfants : il s'installe alors dans la petite ville de Boucherville où il exerce la profession de négociant. Joseph ne se sépare pas cependant de sa plume ni de son violon et il prend une part active à la vie culturelle et musicale de la société franco-canadienne. Il écrit de la poésie et de la prose et compose de la musique...

Joseph Quesnel est l'auteur d'une opérette " Lucas et Cécile ", de deux comédies en vers " L'Anglomanie " et " Le Rimeur dépité ", ainsi que de deux comédies en prose, " Les Républicains français " (publiée à Paris) et " Colas et Colinette " (ou " Le Bailli dupé "). Cette dernière pièce fut jouée à Montréal en 1790 et à Québec en 1808. D'après le Répertoire national canadien, il aurait aussi composé de nombreuses oeuvres purement musicales: plusieurs symphonies à grand orchestre, des quatuors, des duos, nombre de petits airs, chansons, ariette, etc...

Il composa aussi plusieurs motets et autres morceaux de musique sacrée, écrits pour l'église paroissiale de Montréal et qui figurait au répertoire de l'orgue au début du XIXe siècle. Il n'est malheureusement rien resté de tout cela, sauf les parties chantées des comédies " Lucas et Cécile " et " Colas et Colinette ", dont les partitions sont conservées à l'Université Laval, dans les archives du Séminaire du Québec. Il est probable que les autres oeuvres de ce compositeur d'origine bretonne sont définitivement perdues : sa musique devait ressembler à celle que composait, à la même époque, Jean-Jacques Rousseau. Joseph Quesnel est mort à Montréal le 3 juillet 1809.

Il est amusant de signaler la tentative audacieuse d'un compositeur moderne de Toronto, Godfrey Ridout, qui a recomposé " Colas et Colinette " ainsi qu'un ouverture à partir de fragments conservés de l'oeuvre musicale de Joseph Quesnel. La vie de ce Malouin doué pour les lettres et la musique a inspiré un autre compositeur canadien contemporain, Eugène Lapierre, qui en a tiré le livret de son opéra " Le Père des Amours" ( 1942).

Parmi ses nombreux enfants, l'un se fit un nom dans la magistrature et un autre est davantage connu pour la part qu'il prit à l'exploration du FarWest canadien... Jules Maurice Quesnel, né à Montréal en 1786 - et mort dans cette ville en 1842 - se fit négociant en fourrures et il accompagna Simon Fraser et John Stuart lors de leur fameux voyage d'exploration et de leur descente du fleuve, aujourd'hui connu sous le nom de fleuve Fraser. Le nom de Quesnel fut donné à un lac des Montagnes Rocheuses, à une rivière coulant de ce lac et à une localité située au confluent de cette rivière et du fleuve Fraser. Cette localité a pris vraiment son essor à partir de la ruée vers l'or de 1862, dans cette partie de la Colombie britannique.

En 1971, la ville de Quesnel comptait 6224 habitants: c'est aujourd'hui un important centre d'exploitation forestière et minière. C'est aussi un centre touristique en plein développement.

Il semblerait juste que sa ville natale rende, un jour, hommage à Joseph Quesnel en donnant son nom à l'une de ses rues ou de ses places.

Jakez Gaucher

Dalc'homp Soñj N°16 (avec l'aimable autorisation des éditions Dalc'homp Soñj)