Le dramatique naufrage du 20 août 1901
Ce jour-là, onze membres de la famille Le Braz, son père, la femme de son père, ses demi-frères et demi-soeurs, ses soeurs, ses beaux-frères, prirent la mer à Pleubian sur la rive droite de l'embouchure de la rivière de Tréguier. Le bateau fit naufrage, personne ne fut sauvé.
Voici le récit fait par mademoiselle Graff. (Récit fait à l'auteur de ce livre le 28 novembre 1995 par mademoiselle Graff, la petite-fille d'Anatole Le Braz, dans sa maison de retraite de Pacé).
Ses propos sont transcrits tels qu'entendus, sans remise en ordre logique.
" Le naufrage eut lieu à quelque deux cents mètres de la côte, à deux cents mètres d'un poste de douane.
Anatole Le Braz ne figure pas parmi les disparus. Ayant été nommé à Rennes, à partir de la rentrée de 1901, il était allé à Rennes, avec sa femme, chercher un logement.
Il a appris le drame, le lendemain, à Tréguier, dans une boulangerie, dans laquelle sa femme et lui sont allés prendre du pain car ils craignaient de ne pas en trouver à Port-Blanc.
Anatole Le Braz a répondu aux touristes : " Ce ne sont pas ceux qui partent que je plains, ce sont ceux qui restent."
"Ses cheveux sont devenus tout blancs dans la nuit. "
Anatole Le Braz n'a jamais accusé la mer.
Ce sont des amis de Pleubian qui ont offert la promenade en bateau. Un fort grain était prévu, un marin les avait prévenus et leur avait recommandé de ne pas embarquer. Ils sont allés quand même. Quelqu'un a même ajouté : " On annonce toujours des catastrophes, on verra quand on y sera."
Léon Marillier ne voulait pas embarquer, mais quand sa femme, Jeanne Le Braz, lui a dit : " Tu as toujours peur de tout ", lui, qui n'était pas marin, a cru en son expérience, et, ne voulant pas jouer le trouble-fête, il a accepté d'embarquer et de laisser les autres embarquer.
Quand la barque s'est renversée, Léon Marillier et une femme étaient agrippés chacun à un bout d'une pièce de bois. Avec les embruns et la nuit qui venait, il n'a pas su si cette femme était son épouse ou sa belle-soeur.
Personne n'est venu les secourir, les gens qui les entendaient crier au secours croyaient qu'il s'agissait des " noyés hurleurs du gouffre de Plougrescant ".
Léon Marillier a dit par la suite qu'il avait vu toutes les étoiles s'allumer dans le ciel et toutes les lumières s'éteindre dans les maisons.
La mer a rejeté les corps pendant un mois ; à chaque fois, il fallait aller les reconnaître.
Seul survivant, Léon Marillier fut découvert à l'aube, son agonie dura plusieurs semaines. Il répétait sans cesse : "j'aurais dû insister". Il se sentait responsable et refusait de se soigner. Il est mort le 13 octobre.
Ils sont enterrés au fond du vieux cimetières de Tréguier.
Extrait du livre de Joseph Jigourel "Anatole Le Braz sa vie, son oeuvre" aux Editions Liv'Editions. 1996