Anatole Le Braz (1859-1926)
Fils d'un instituteur de campagne, Anatole Le Braz naquit à Saint-Servais (Côtes-du-Nord). Son enfance se passa à Ploumilliau, où il fit ses classes dans l'école de son père pendant qu'il s'initiait au latin sous la férule du recteur de la paroisse, messire Villiers de l'Isle-Adam oncle de l'écrivain symboliste. Le jeune Le Braz ne parlait guère que le breton en compagnie de ses condisciples ruraux.
Pendant que son père passait de Ploumilliau à Pleudaniel et de Pleudaniel à Penvénan, Anatole était interne au lycée de Saint-Brieuc qui porte aujourd'hui son nom. Mais chaque vacance le remettait en contact étroit avec le milieu paysan de ce Trégor breton auquel il dut une bonne part de son inspiration.
Il prépara la licence de lettres au lycée Saint-Louis, à Paris. Boursier d'agrégation de philosophie, il dut interrompre ses études pour raisons de santé. Professeur de philosophie au collège d'Etampes, il fut nommé deux ans après, professeur de lettres au lycée de Quimper. Cette nouvelle affectation devait décider de sa carrière littéraire et lui révéler sa véritable vocation.
Anatole Le Braz (Cliché Musée de Bretagne)
Dès son arrivée à Quimper, il devint collaborateur de plusieurs journaux, particulièrement L'Union agricole de Quimperlé où il fit paraître un certain nombre de contes et de nouvelles d'inspiration strictement bretonne. Ces premiers essais, retravaillés, seront repris par la suite dans ses recueils les plus populaires, les Vieilles Histoires du pays breton, Le Sang de la sirène, La Terre du passé, Les Contes du soleil et de la brume, Ames d'Occident. Le nom de Le Braz figure aussi régulièrement au sommaire de la revue L'Hermine dès sa fondation ( 1889).
A Quimper, il avait connu et estimé le folkloriste François Luzel dont il devint le disciple et le compagnon pour la collecte des chansons populaires bretonnantes qui parurent en 1890 sous le titre de Soniou Breiz-Izel. Avec Luzel, il s'initia aux délicates méthodes d'enquêtes auprès des humbles. Il y réussit pleinement parce qu'il connaissait bien la langue bretonne et qu'il était porté d'instinct vers les paysans et les marins, parmi lesquels il reconnaissait << les plus gentils hommes de notre race >>. Cela lui permit de recueillir, pour son compte, les récits de La Légende de la mort, ce livre qui demeure l'ouvrage de référence indispensable pour quiconque prétend comprendre les bretonnants jusque dans leurs plus étonnantes manifestations. De ses longues et patientes enquêtes, Le Braz rapporta, en outre, la matière de son livre sur Les Saints bretons d'après la tradition populaire et ces émouvants reportages intitulés Au pays des pardons.
Maître de conférences, puis professeur à la faculté des lettres de Rennes de 1901 à 1924, Le Braz concentra ses travaux sur un double thème : d'une part la Bretagne et le romantisme, d'autre part le théâtre celtique qui lui fournit son sujet de thèse (1904). Chargé de missions d'enseignement en Suisse et aux Etats-Unis, il y remporta de remarquables succès de conférencier. Brillant causeur et doué d'un puissant charme dans sa parole aux dires de ceux qui l'ont connu, il servit particulièrement la cause de la France en Amérique de 1914 à 1919. Les fatigues de cet apostolat, venant après de nombreux deuils tragiques, furent à l'origine de sa mort prématurée. Cet homme qui aimait la Bretagne d'un amour profond et lucide s'en alla mourir à Menton, en 1926.
Introduction de Pierre Jakez Hélias dans "Magies de la Bretagne" d'Anatole Le Braz. Edition Robert Laffont.1994
Le dramatique naufrage du 20 août 1901
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Anatole Le Braz La Légende de la Mort Editions Coop Breizh / Jeanne Laffite 1994. 58 FF |
La Bretagne est certainement l'une des régions où le culte de la mort est le plus en faveur et le plus présent quotidiennement. Ce livre, malgré son titre, n'est pas un recueil de légendes et de contes, mais la somme d'une multitude de témoignages, de confidences et de récits recueillis en Armor et en Argoat, transcris et fidèlement traduits du breton par Anatole Le Braz. Cela donne à cette oeuvre, en quelque sorte collective, une authenticité, une chair et une saveur incomparables. Elle est un fidèle miroir de la sensibilité et de l'imagination des Bretons qui se reconnaissent dans La Légende de la Mort, et ne sont pas terrorisés par l'ombre de l'Ankou (la représentation de la mort) sur le peuple des Anaon (âmes) et pour qui les Kannerezed Noz (Lavandières de la nuit) ont gardé leur pouvoir enchanteur. |