Ronan Caerléon (1914-1986)

Ronan caerleon et camille le Mercier d'Erm. Ronan Caerléon (à droite) avec Camille le Mercier d'Erm

Ronan Caouissin, Ronan CAERLEON, de son pseudonyme d'écrivain, un ancien de l'Emsav, à une époque où il n'était pas si commun d'afficher, sans complexes, ses convictions nationalistes et où l'on regardait de travers les adhérents de Breiz Atao. Or, s'il est un militant breton qui n'a jamais caché ses sentiments, c'est bien Ronan Caerléon. Dès 1938, puis en 1944, dans le climat d'anarchisme et de hargne du temps, il subit plusieurs mois de prison pour délit d'opinion autonomiste. Le délit d'opinion n'existant pas, huit mois après on le libère, toutefois avec obligation implicite et de principe de se voir " interdit de séjour en Bretagne " : en somme reconnaissance officielle (rare à cette époque) qu'il existait une Bretagne.

Son frère Herri et lui, en vertu des infâmes ordonnances de 1944 contre toute la presse parue sous l'Occupation, sont dépouillés de leur bien, " l'Imprimerie du Léon " à Landerneau mise sous séquestre par les maîtres de l'heure, et obligés de s'exiler avec leur famille. Tout cela est, en région parisienne, reconnu illégal : en vérité spoliations et vengeances pour avoir oeuvré pour la Bretagne pendant l'Occupation, avec spécialement les éditions et le journal " Ololé " pour la jeunesse. Ils n'avaient jamais travaillé pour les Allemands ; sinon ce n'est pas un non-lieu qui eût conclu.

Ronan entendit relever le défi anti-breton et dans des conditions difficiles, élevant ses trois puis cinq enfants. Ecrivain de talents et artisan-imprimeur, il avait, avec " L'Union des Oeuvres bretonnes " et "Ar C'horn-boud ", publié en 1938 " Bretons d'aujourd'hui ", puis " Gwenn ha Du ". En 1946, après un temps de survie à mille métiers, il publie " Les chevaliers de la Table Ronde ". En 1967, c'est le terrain de la polémique, avec des titres parlants : " Complots pour une République bretonne ", en 1969 " La Révolution bretonne permanente ", en 1970 " Au village des condamnés à mort " (l'affaire Geffroy) ; en 1973 " Les Bretons le dos au mur " (le F.L.B. devant la cour de sûreté de l'Etat ), le tout à La Table Ronde, ce qui n'est pas une mince référence ; en 1974, il publie à " Nature et Bretagne " " Le rêve fou des soldats de Breiz Atao ". Ouvrages de combat, qui, d'avance, placent l'auteur dans le collimateur de la police politique, mais qui, de par la richesse et la sûreté d'une documentation le plus souvent de première main, et l'abondance de l'illustration, constituent une mine dont les historiens, honnêtes, ne pourront pas se passer. Ils auront le plaisir d'un texte vif, précis, imagé, de lecture passionnante et vivante.

Des livres, mais aussi des films. Ancien de la troupe théâtre du Bleun-Brug d'avant-guerre " goude gousperoù e brezhoneg ", en 1952, avec son frère Herri, il se lance dans la création d'un cinéma breton : " Brittia-films ". Grand risque : les réalisations ne pouvaient être que modestes, par manque d'argent, en dépit du soutien des militants bretons : ils en sont à vendre leurs derniers stocks d'édition. Deux succès en long métrage, qui ont amené des passionnés à évoquer Bergman : " Le Mystère du Folgoët " (acteurs choisis la plupart dans la population locale, mais avec le talentueux Jarl Priel et Andrée Clément, jeune vedette de l'écran en 1950 ; musique de Jef Le Penven). Un film biographique : " Le meilleur de ma jeunesse " : enfance de Théodore Botrel. " La lune de Lander neau " : fantaisie et humour. Des courts métrages : " Côte de granit rose " (musique de Paul Le Flem). " Elorn ", " Autour du Blavet ", " Breiz magazine "...

Après quinze années de reportages en romans-films, nécessité vitale, et se documentant toujours pour les livres futurs sur la Bretagne contemporaine, il rentre au pays, crée au Drennec, avec ses talents artistiques si divers, un " Atelier Celtique ", où il se lança, âgé de 60 ans, avec bonheur, dans la céramique, aux thèmes bretons et celtiques.

Opéré de la cataracte en 1979, il reprend ce combat breton qu'il n'a, en fait, jamais abandonné. Il avait toujours lutté pour rétablir dans la vérité la mémoire de l'abbé J.M Perrot, fondateur du Bleun-Brug, lâchement assassiné le 12 décembre 1943. A ce sujet, une dure polémique l'engage avec le directeur du groupe théâtrale " Ar Vro Bagan ", qui avait demandé témoignages et documents. La pièce réalisée était une atteinte à la personnalité et à la dignité du prêtre bafoué et travesti, en fait une résurrection d'un anticléricalisme d'arrière-garde. Cette trahison et cet abus de confiance l'atteint dans sa santé. Il usa ses dernières forces dans ce combat pour son idéal de toujours : Feiz ha Breiz. Sa vie droite et dure si bien remplie, Dieu le rappela à lui le 12 mars 1986, en la fête de Saint-Pol de Léon. Né à Pleyber-Christ en 1914, Ronan avait 72 ans.

(avec l'aimable autorisation des éditions Dalc'homp Soñj)