Jean de Montfort et Jeanne la Flamme

Duc de Bretagne de 1341 à 1345, contre l'agrément du Roi de France qui souhaitait placer à la tête de la nation bretonne, son neveu Charles de Blois, Jean de Montfort entra en conflit ouvert contre la royale volonté de Philippe VI de Valois d'accroître son domaine au détriment des nations voisines et de réunir sous son sceptre ce qui sera la France quelques siècles plus tard.

Dans le cadre de la Guerre de Cent ans, cette guerre de Succession, qui dura 24 ans, après le décès du duc de Bretagne Jean III le Bon, lequel avait refusé de désigner son successeur à la tête du Duché vit la Bretagne déchirée entre deux partis, les Montfortistes tenant à l'autonomie interne de leur pays, les Blésistes tenant à la tutelle française.

Les gens du peuple, la petite noblesse, les artisans qui souhaitaient garder leur identité nationale, parler leur propre langue héritée de leurs ancêtres celtes prirent le parti de Jean de Montfort.

La haute noblesse, le haut clergé et les notables déjà francisés penchèrent en grande majorité pour Charles de Blois.

En 1341 les trois quarts de la Bretagne bretonnante et le tiers du pays "gallo" s'enthousiasmèrent pour le champion de l'indépendance et Jean de Monfort en quelques mois s'assura le contrôle de la plus grande partie de l'Armorique.

Convoqué à Paris en Août 1341 par le Roi de France afin que la Cour de Paris décidât en une assemblée pleinière quel serait l'héritier officiel du duché de Bretagne, Philippe VI de Valois assigna Jean de Monfort à résidence aux abords de la Seine. Flairant un piège, Jean s'évada et rejoignit sa bonne ville de Nantes.

Le 7 septembre les Pairs de France désignèrent Charles de Blois duc de Bretagne et les troupes françaises envahirent la Bretagne par la vallée de la Loire et après un mois de siège s'emparèrent de Nantes et de Jean de Monfort qui, conduit à Paris, fut enfermé dans une Tour du Louvre pendant trois ans.

Jeanne de Flandre, épouse du Duc reprit le flambeau arraché des mains de son mari et avec une passion, une fougue qui lui vaudra le surnom de Jeanne la Flamme, mena le combat. Etablissant son quartier général derrière les remparts d'Hennebont, non seulement elle soutint tous les assauts français mais effectua des raids spectaculaires contre Charles de Blois, ce qui lui attirera non seulement l'admiration de ses partisans, mais aussi des amis bretons de Charles de Blois et des Français eux-mêmes.

Pendant toute l'année 1342, la Bretagne fut parcourue par des bandes armées de toutes nationalités ; les Français appelèrent en renfort des arbalétriers génois, une flotte espagnole conduite par un Grand de Castille, Louis d'Espagne. Les Bretons s'assurèrent le concours naturel des Anglais dont le roi Edouard III, membre de la famille des Plantagenêts, d'origine angevine, se proclama du fait de ses ascendances françaises roi d'Angleterre et de France possédant déjà, depuis des générations, les terres de Guyenne sur le continent. Les troupes espagnols furent rapidement mises hors de combat à Roscasguen, en Quimperlé où sur trois mille hommes engagés, seul un dixième eut la vie sauve et au Pouldu la flotte ispano-gènoise qui avait débarqué cette armée fut entièrement détruite par les anglo-bretons.

Jeanne la Flamme pendant toute cette année 1342 porta le fer dans toute la Bretagne contre Charles de Blois et ses alliés.

A la fin de l'année, des renforts français et anglais affluèrent de toutes parts et en janvier la guerre prit une nouvelle dimension, quand le pape Clément VI obtint le 19 janvier une trêve entre les belligérants, signée à Malestroit et valable jusqu'en Septembre.

Edouard III venu en France en 1342, retourna en Angleterre à la fin du mois de Février 1343 et Jeanne de Flandre, épuisée par les combats menés l'année précédente devint folle, dit-on et s'embarqua pour l'Angleterre avec ses deux enfants, dont le garçon deviendra par la suite, duc de Bretagne, sous le nom de Jean IV. Philippe VI de Valois profitant traîtreusement de la trêve, fit enlever de Bretagne ses principaux adversaires en les invitant à disputer des tournois à Paris ou en les faisant kidnapper par ses sbires et une quinzaine d'entre eux, dont Olivier de Clisson, furent décapités en place publique, la tête de Clisson étant renvoyée à Nantes pour montrer aux Bretons le sort réservé à ceux qui ne voulaient pas se soumettre au roi de France.

Ces assassinats soulevèrent à nouveau notre pays et les combats reprirent à l'avantage des Français qui engagèrent environ cinquante mille hommes pour mater l'opiniâtre résistance bretonne.

Jean de Montfort, déguisé en marchand, réussit à s'évader du Louvre le 27 Mars 1345, passa par l'Angleterre afin d'obtenir des renforts d'Edouard III et débarqua en Bretagne où il vint assiéger Quimper sans succès. Revenant vers Hennebont en Septembre, il décéda en route le 26 de ce mois, fut enterré provisoirement à l'abbaye de Sainte Croix de Quimperlé puis mis au tombeau dans la chapelle du couvent des Dominicains situé au Bourgneuf de Quimperlé.

Pendant la Révolution, la chapelle du couvent fut rasée, le tombeau détruit et Jean de Montfort tomba dans l'oubli jusqu'en 1883 où Théodore Hersart de La Villemarqué, effectuant de fouilles dans l'églises ruinée, retrouva les ossements qu'il fait placer dans un petit oratoire. Le voile de l'oubli retomba à nouveau sur ce héros de la fierté bretonne jusqu'à 1982 où ses ossements faillirent être jetés à la fosse commune ; un hasard providentiel alerta M. Bellancourt, Principal du Collège de La Villemarqué qui fit recueillir respectueusement ceux-ci. M. Guilloux, maire de Quimperlé les fit déposer à la chapelle du cimetière en attendant qu'un Comité Jean de Montfort créé put donner enfin une sépulture décente en l'église de Sainte Croix de Quimperlé à celui qui fut le champion de notre identité bretonne et qui par son opiniâtreté et celle de son épouse fit reculer de deux siècles le rattachement de la Bretagne à la France.

Dalc'homp Soñj N°4 (avec l'aimable autorisation des éditions Dalc'homp Soñj)

Le Combat des Trente