" La journée des dupes "

Les habitants de la Loire-Inférieure et de l'Ille-et-Vilaine n'étaient visiblement pas content. Ils le furent encore moins quand les maires respectifs de Nantes et de Rennes jouèrent à leur insu et bien involontairement, le 29 juin 1941, le dernier acte d'une comédie-bouffe que la voix populaire intitula, par la suite : "la journée des dupes".

Ce matin-là, la plupart des quotidiens de Bretagne rendirent compte d'un entretien que François Chateau, maire de Rennes, avait eu avec le Maréchal. Au chef de l'Etat, François Chateau avait adressé la requête suivante :

- Je vous demande que cette Bretagne que nous aimons tant, reste dans la France de demain dans la France régénérée, telle qu'elle fut dans le passé avec ses limites territoriales et qu'elle conserve la ville de Rennes comme capitale.

A quoi le Maréchal aurait répondu en souriant :

- Vous aurez satisfaction, monsieur le maire. La province de Bretagne comprendra cinq départements et votre ville en sera la capitale.

Mais quelques heures plus tard, si l'on en croit l'édition de L'Ouest-Eclair ( édition nantaise du 1er juilet 1941 ), composée pour la Loire-Inférieure, le Maréchal avait reçu une délégation conduite par Gaëtan Rondeau, maire de Nantes. A la fin de l'entretien, le Maréchal avait donné à ses visiteurs l'assurance que la future province de Bretagne serait maintenue dans les limites de ses cinq départements mais avec, cette fois... Nantes pour capitale !

La contradiction était tellement flagrante que tous les Bretons ou presque pensèrent qu'ils avaient été floués. La preuve leur en fut donnée sans tarder puisque le lendemain, le gouvernement de Vichy prenait la responsabilité... d'une troisième décision en détachant officiellement et administrativement la région de Nantes de la Bretagne !

En vertu d'un décret du 30 juin 1941 - qualifié aujourd'hui encore d'"inique" par les Bretons - et publié le lendemain 1er juillet au Journal Officiel, Rennes devenait la préfecture d'une région comprenant l'Ille-et-Vilaine, les Côtes-du-Nord, le Finistère et le Morbihan tandis que Nantes passait sous la tutelle d'Angers, promue préfecture d'une autre région dont dépendaient, outre le Maine-et-Loire et la Loire-Inférieure, la Mayenne, la Sarthe et la zone partiellement occupée de l'Indre-et-Loire.

Malgré la déception qu'ils ressentaient, les pétainistes s'interrogeaient sur l'attitude incompréhensible prise par le Maréchal, le 29 juin. Pourquoi avait-il menti à Chateau aussi bien qu'à Rondeau ? Parce qu'il était gâteux ? Parce qu'il était rompu de nature à toutes les duplicités, comme le suggéraient ceux qui lui étaient hostiles ?

N'avait-il pas plutôt donné une réponse sinon de Normand au moins de... Picard, ainsi que nous l'a laissé entendre Louis-Dominique Girard en expliquant que le maréchal Pétain, tenant à remettre à plus tard l'heure des explications, avait trouvé dans cette échappatoire un moyen de mettre fin à des entretiens qui risquaient de se prolonger. Cette hypothèse semble la plus vraisemblable car l'attention du Maréchal avait toute raison d'être retenue ce jour-là par une décision, - particulièrement grave sur le plan international - qu'il devait rendre officielle le lendemain. Il se trouvait, en effet, contraint par les Allemands qui avaient envahi l'U.R.S.S. huit jours auparavant, de rompre les relations diplomatiques de la France avec le gouvernement soviétique.

Extrait de " La Bretagne sous le Gouvernement de Vichy " de Hervé Le Boterf. Ed. France-Empire

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